Gaspard Koenig                                                                                                                     Pas d'images ? Version web

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Dans mon message de janvier, je vous faisais part des conclusions politiques de mon voyage à cheval : la frustration face à la multiplication des règles et des normes, le désir de simplification. Vos nombreux retours m’ont convaincu de l’importance de ce problème, trop sous-estimé dans le débat public.

Le sujet m’a – c’est le cas de le dire – trotté dans la tête. Je me suis senti frustré de cette frustration. Est-il vraiment impossible de renverser ce paradigme vertical d’interdit et de contrôle, déjà dénoncé par Tocqueville dans L’Ancien Régime et la Révolution ? Analysant les dernières années de l’Ancien Régime, Tocqueville s’amusait qu’il faille remonter au conseil du Roi pour réparer le toit d’une Eglise. Aujourd’hui, la DRAC a remplacé le conseil du Roi, mais les procédures n’ont pas gagné en souplesse. Est-on condamné à vivre dans cette camisole de force administrative ?

« Il y a un chemin possible entre l’idée et l’action, à condition d’accepter les limites de la première et les contraintes de la seconde. »

Au-delà de mes écrits, j’ai donc décidé d’agir. Pour un philosophe, c’est une tentation maudite depuis Platon. Alexandre Kojève, le penseur-aventurier qui a popularisé Hegel en France dans les années 1930, explique dans son essai Tyrannie et Sagesse combien la philosophie occidentale est restée traumatisée par l’échec de Platon à Syracuse. Appelé par Denys l’Ancien puis Dion de Syracuse, Platon vient à plusieurs reprises prodiguer ses conseils pour gouverner la Cité. Mais les relations entre le philosophe et les tyrans successifs ne seront jamais aisées. Platon finira déporté puis même emprisonné. Conclusion de Kojève : l’homme d’Etat « ne peut pas prendre en considération les idées qui sont sans lien direct avec la situation concrète donnée. Pour pouvoir être écouté, le philosophe aurait donc dû donner des conseils se rapportant aux affaires courantes. Mais pour pouvoir le faire, il faut suivre les affaires courantes et y consacrer tout son temps »... en cessant donc d’être philosophe ! Conflit tragique, sans issue, entre le monde des Idées et celui du gouvernement des hommes.

Pourtant, Kojève lui-même, obsédé par le désir de participer à la marche du temps, décidera de mettre en pratique ses théories sur la « fin de l’histoire » (que Fukuyama ne fera qu’actualiser)… en travaillant pour l’administration française aux négociations du traité de Rome et à la mise en place du marché commun en Europe. Il y a un chemin possible entre l’idée et l’action, à condition d’accepter les limites de la première et les contraintes de la seconde.

« Au-delà de mes écrits, j’ai donc décidé d’agir. Je lance Simple, un mouvement citoyen dédié à la simplification du quotidien »

C’est donc sur cette ligne de crête périlleuse, en essayant de conserver mon équilibre, que je lance Simple, un mouvement citoyen voué à se simplifier la vie (entretien dans le Point à lire Ici). Je ne peux que le placer sous la houlette de Georges Pompidou, qui au-delà du mouvement d’humeur qu’on lui prête (« arrêtez d’emmerder les Français ! »), fit cet exposé plus réfléchi au Conseil d’Etat : « De perfectionnement en perfectionnement, notre droit public, dont la vertu première était la simplicité et la souplesse, s’est progressivement compliqué au point de dérouter parfois les plus perspicaces. Dans le réseau complexe des règles et des principes, l’administrateur risque de se trouver peu à peu paralysé. Quant au citoyen que le droit doit protéger et aider, c’est avec quelque raison bien souvent qu’il affirme ne plus pouvoir le comprendre ni l’appliquer. »

Simple consiste avant tout en une plateforme de recension de nos absurdités nationales. J’invite tous les citoyens à y raconter leur histoire. Cette opération de collecte en ligne sera accompagnée tout l’été d’une action de terrain. A l’automne, avec l’aide de juristes, je livrerai une synthèse de ces témoignages et je ferai des propositions concrètes que j’espère inscrire au cœur du débat présidentiel.

Et si ce dont le pays avait besoin, c’était de MOINS plutôt que de PLUS ? Le rasoir d’Occam plutôt que raser gratis…

Gaspard Koenig

TTP : les archives

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www.gaspardkoenig.com

Philosophe et écrivain, Gaspard Koenig décline sa quête de liberté sous toutes les formes.