Are you sure Mrs. Clinton ?

Lors de son discours de nomination à l’élection présidentielle américaine, Hillary Clinton a rendu hommage au combat politique de générations de femmes tout au long des siècles, précisant que «  ce combat a commencé ici, à Seneca Falls » - ce village de l’Etat de New York où fut rédigée en 1848 la « Déclaration de Sentiments » (declaration of sentiments) sur les droits des femmes. « C’était la première fois dans l’histoire de l’humanité qu’une telle déclaration était produite », souligna Hillary dans un élan lyrico-patriotique, sous les applaudissements de ses supporters. La première fois dans l’histoire de l’humanité, vraiment ?
 
Il est vrai que la Déclaration de Sentiments ne manque pas de panache. Son préambule reprend le style de la déclaration d’indépendance américaine, mais en y ajoutant les femmes : « Nous tenons comme vérités allant de soi que tous les hommes et les femmes sont créés égaux ». Partant du constat que « l'histoire de l'humanité est une histoire de blessures et d'usurpations répétées de la part de l'homme à l'endroit de la femme », la Déclaration recense les droits civiques dont la femme est privée (vote, éducation, travail…) et réclame donc que les femmes américaines deviennent citoyennes à part entière.

Pour puissant que soit ce texte, il ne devrait pas occulter son prédécesseur : la Déclaration des Droits de la Femme et de la Citoyenne, rédigée en 1791 par Olympe de Gouges (1748 - 1793). Saluée par Simone de Beauvoir dans Le Deuxième Sexe, régulièrement citée parmi les « panthéonisables », Olympe de Gouges fut une intellectuelle complète comme les Lumières savaient les produire, théoricienne et dramaturge autant que pamphlétaire. Sa Déclaration est modelée sur celle de 1789, en réparant le léger oubli d’une moitié de l’humanité : l’article premier décrète ainsi « la Femme naît libre et demeure égale à l’homme en droits », et le suivant répète que « le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de la Femme et de l’Homme ». Olympe de Gouges y a également introduit quelques variantes bien tournées, comme par exemple : « l’exercice des droits naturels de la femme n’a de bornes que la tyrannie perpétuelle que l’homme lui oppose »… Elle conclut sur un appel véhément à la révolte des femmes, à la fois du point de vue du droit et des mœurs. Si « le mariage est le tombeau de la confiance et de l’amour », la femme doit pouvoir divorcer librement. Olympe de Gouges reformule même le contrat de mariage pour en faire un document parfaitement égalitaire et étonnamment moderne (rappelons qu’il faudra attendre 1938 pour que soit supprimée l’incapacité juridique de la femme mariée, instituée dans le code napoléonien).
 
Il est vrai que cette Déclaration, adressée à la Reine, ne fut véritablement connue qu’aux siècles suivants, et n’a été publiée dans son intégralité qu’en 1986. Mais Olympe de Gouges a payé son activisme de sa vie. Celle qui écrivait que « la femme a le droit de monter sur l’échafaud ; elle doit avoir également celui de monter à la Tribune » fut guillotinée sur ordre du Tribunal Révolutionnaire. Voilà un modèle que Hillary Clinton, montée à la tribune mais pas à l’échafaud, ne devrait pas oublier.

Time To Philo est illustré par Daniel Maja.
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