Jérôme Kerviel pourra-t-il
racheter ses fautes ?

Encore un rebondissement dans l’affaire Kerviel, qui demande une révision de son procès. L’ancien trader avait d’abord été condamné à rembourser 4,9 milliards d’euros. Puis il avait entrepris un pèlerinage de Rome à Paris. Avant de passer quelques mois en prison.
 
La question qu’il nous pose à tous est celle de la rédemption. Par l’argent. Par la foi. Ou par la justice.
 
Par l’argent. Pourquoi rembourser ses dettes ? Dans la deuxième dissertation de la Généalogie de la Morale, Nietzsche consacre la relation entre créditeur et débiteur comme la forme originelle de toute relation sociale, fondée sur la punition et la souffrance. « Une sorte de jouissance est procurée au créancier sous forme de remboursement ou de compensation – la jouissance de pouvoir exercer son pouvoir sur ceux qui n’en ont pas, la jouissance de faire le mal pour le plaisir de le faire ». Nietzsche, étymologiste de formation, voit dans Schulden (dettes) l’origine de Schuld (culpabilité) : rembourser, c’est accepter le jeu social de la culpabilité, et entretenir le cycle de la mauvaise conscience, à l’origine de nos valeurs morales.

 

Par la foi. Pour l’Eglise, seul le Christ peut racheter nos péchés. Saint Augustin décrit un Christ redemptor – rédempteur et, au sens premier, « racheteur ». A une époque où l’esclavage était encore courant, la métaphore faisait immédiatement sens. « Si, en effet, écrit Augustin dans ses Sermons, nous n’étions pas tenus en captivité, nous n’aurions pas besoin de Racheteur. Le Christ est venu pour les captifs, lui qui n’était pas captif. » La foi, en brisant nos chaînes intérieures, doit nous libérer de l’esclavage des passions. Le chemin de croix du trader est celui de l’humanité entière.
 
Par la justice. Depuis l’invention de la philosophie pénale moderne par Beccaria, la prison n’est plus conçue comme un lieu moral de réparation des fautes (passées), mais comme un moyen efficace de prévenir le mal (futur). « Le but des peines, écrit le juriste des Lumières, n'est ni de tourmenter ou d'affliger un être sensible, ni d'empêcher qu'un crime déjà commis ne le soit effectivement. Non, le but des châtiments n'est autre que d'empêcher le coupable de nuire encore à la société et de détourner ses concitoyens de tenter des crimes semblables. » La punition est évaluée par son utilité sociale, non par ses vertus expiatoires. La fonction de Kerviel dans sa cellule, c’est d’éviter d’autres Kerviel.
 
Suivant votre conception de la rédemption, vous donnerez donc à Jérôme Kerviel un coup de fouet, une auréole ou un bracelet électronique…

 

Saint Augustin (354 - 430)

Philosophe et théologien chrétien, il est aussi évêque d’Hippone. Il place la foi au-dessus de tout, veut renforcer la position de l’église catholique et pose les fondements de la culture chrétienne. En savoir plus.

Cesare Beccaria (1738 - 1794)

Juriste, criminaliste, philosophe, économiste et homme de lettres italien contemporain des Lumières. Il fonde le droit pénal moderne dans Des délits et des peines, et s’oppose à la peine de mort. En savoir plus.

Friedrich Nietzsche (1844 - 1900)

Philosophe et poète allemand, il effectue une critique de la culture occidentale moderne, notamment dans Humain, trop humain, et de ses valeurs morales, politiques et religieuses. En savoir plus.

Time To Philo est illustré par Daniel Maja. 

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