La drôle d’idée du revenu universel

Le Conseil National du Numérique a émis cette semaine une idée surprenante dans son rapport rendu au gouvernement : instaurer un revenu universel, distribué de manière égale à l’ensemble des citoyens français, sans aucune condition ni contrepartie. La Suisse tiendra une votation sur une proposition similaire le 5 juin prochain. Tandis qu’en Finlande, le Premier ministre s’est engagé à mettre en place un revenu universel d’ici 2017…
 
C’est une vieille idée qui reprend vie. Elle se trouve au carrefour de traditions philosophiques variées :
 
La tradition égalitaire. On cite souvent l’Utopia de Thomas More, au début du 16e siècle, comme le texte précurseur du revenu universel. Dans une société minutieusement organisée, où chacun doit contribuer au bien collectif, il est logique de « donner à tout le monde quelque moyen de subsistance », qui réduira chez les plus entreprenants l’attrait des richesses, et détournera les plus fragiles des tentations criminelles. Nulle surprise que des mouvements comme Occupy Wall Street promeuvent aujourd’hui un tel « revenu de base ».

La tradition jusnaturaliste. Thomas Paine, un penseur britannique qui participa à la fois aux révolutions américaine et française, appela dans son livre Justice Agraire (1795) à dédommager les citoyens de la perte de leur héritage naturel, en leur offrant à leur majorité une importante somme d’argent. La civilisation, malgré les progrès qu’elle permet, nous a privés de la portion de terre à laquelle nous avons tous droit en partage : il faut donc établir une forme de compensation commune. « Je me moque de savoir combien certains se sont enrichis, écrit Paine, du moment que personne n’est devenu indigent en conséquence. »
 
La tradition libérale. Si l’homme doit être libre de ses choix et responsable de ses actes, il faut aussi lui donner les moyens d’exercer son libre arbitre. C’est pourquoi Milton Friedman, économiste emblématique de l’école de Chicago, proposa au chapitre 12 de Capitalisme et Liberté la mise en place d’un filet de sécurité universel (resté célèbre sous le nom d’ « impôt négatif »). Plutôt que de multiplier les allocations spécifiques, paternalistes et conditionnelles, l’assurance de disposer d’un revenu minimum permet d’éradiquer la misère, tout en laissant chacun prendre ses propres décisions, sans se sentir stigmatisé. « Un tel système, explique Friedman, aide l’individu de la manière la plus efficace : en lui donnant du cash. »
 
Socialistes, sociaux-démocrates et libéraux, tous unis pour le revenu universel ?

Thomas More (1478 - 1535)

Philosophe, historien, humaniste et homme politique anglais, il est un précurseur du socialisme. Il est connu pour son œuvre Utopia (1516), qui imagine une société idéale fondée sur l’égalité. En savoir plus.
 

Thomas Paine (1737 - 1809)

Intellectuel, pamphlétaire et révolutionnaire britannique, contemporain des révolutions américaine et française. Dans Le Sens Commun (1776) notamment, il participe à la promotion des droits de l’homme, du suffrage universel et du droit de vote, le tout sous une nouvelle forme de gouvernement : la République. En savoir plus.

Milton Friedman (1912 - 2006)

Economiste américain et fervent défenseur du libéralisme dans ses œuvres Capitalisme et Liberté (1962) et Free To Choose (1980), il condamne l’intervention de l’Etat dans l’économie, et développe le courant monétariste. En savoir plus.

 

Time To Philo est illustré par Daniel Maja.

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